Le projet urbain Euroméditerranée, créé en 1995, a franchi une nouvelle étape avec la mise en chantier des « Quais d’Arenc ». En jonction de ce nouvel îlot essentiellement composé de trois tours de logements et de bureaux, une nouvelle place publique a été aménagée. Elle sert d’espace-tampon entre le bâtiment ancien des Docks, actuellement en cours de rénovation, et le nouveau quartier d’affaires de la Joliette. Initialement appelée place de la Méditerranée, elle a été officiellement baptisée place Henri Verneuil et a été inaugurée le 22 juin 2013.
La nouvelle place permet d’ouvrir une liaison transversale entre le boulevard de Dunkerque, le long duquel file le tramway, et le boulevard du Littoral qui longe le Port autonome de Marseille. Elle s’ouvre également à l’Ouest vers le Silo, la nouvelle salle de spectacle de 2.000 places imaginée par Roland Carta et inaugurée en 2012, et à l’Est sur le tout nouveau théâtre de la Minoterie. À terme, le futur Euromed Center bordera la limite Nord de la place. Par sa situation, au Nord des Docks, elle répond symétriquement à la place historique de la Joliette au Sud. Elle devient donc tout naturellement un lieu polarisant dans le nouveau tissu urbain s’étendant de la Joliette jusqu’à la tour CMA-CGM.
Un lourd traitement minéral
La nouvelle place se déroule sur près de 8.000 m². Sa conception est due à Yves Lion, architecte mandataire, également en charge de la composition urbaine d’Euroméditerranée, et François Kern.
Pour résoudre le problème de la différence d’altimétrie entre le boulevard de Dunkerque et le boulevard du Littoral, elle s’organise sur deux niveaux. Le niveau haut est conçu comme un belvédère minéral, offrant une nouvelle vue sur le port. Des arbres d’agrément sont placés selon une trame régulière dans des pots cubiques en acier Corten. Au niveau bas, 24 platanes sont plantés à même le sol et s’inscrivent dans l’alignement de la façade maritime des Docks. Les deux niveaux sont reliés entre eux par un escalier en trois volées et par un ascenseur.
La place dans son ensemble est caractérisée par sa très forte minéralité. Le sol est traité de manière uniforme : seuls les arbres et les candélabres, simplement équipés de deux appareillages, structurent l’espace. La liaison piétonne entre les deux boulevards est simplement soulignée au sol par l’utilisation de deux teintes légèrement différentes. Le calepinage des éléments en béton désactivé intègre les réservations pour les arbres plantées selon un rythme régulier. L’escalier monumental, en pierre calcaire, souligne le soutènement réalisé entre les deux niveaux de la place.
Composition architecturale
La conception de la place est surtout marquée par son minimalisme. Rien ne vient perturber la lecture globale de l’espace ; aucun obstacle ne gêne la vue vers le Silo, le port et la passerelle de l’autoroute A55. Les teintes utilisées sont uniformes et sobres ; le mobilier urbain est discret et élégant.
Sous le niveau haut se loge le théâtre de la Minoterie. Sa façade en L est marquée par le lourd linteau qui pèse sur un soubassement totalement vitré. L’absence de points porteurs en façade accentue cet effet de masse. Toutes les menuiseries, portes ou grilles d’aération sont réalisées uniformément en acier laqué. Le linteau est même surélevé, formant ainsi le garde-corps de la place haute : il est réalisé en panneaux de béton blanc avec agrégats de marbre. Les joints creux des éléments sont chanfreinés, et rythment ainsi le linéaire de la façade. Ce calepinage soigneux assure à l’ensemble architectural une cohérence harmonieuse.
La surface de la place dissimule en sous-sol un vaste bassin de rétention d’une contenance de 3.000 m². Ce dernier préviendra les risques d’inondations d’une partie du quartier, accrus par la forte imperméabilisation des sols.
La place est dédiée à Henri Verneuil, le fameux réalisateur d’Un singe en hiver ou de Peur sur la ville, personnage d’origine arménienne ayant grandi à Marseille. Pour symboliser le lien entre la France et les Arméniens, une statue a été installée sur la partie haute de la place. Baptisée L’infini, elle est l’œuvre du sculpteur Toros, qui en a fait don à la Ville de Marseille pour l’inauguration de la place. La sculpture représente un ruban en laiton rouge s’enroulant sur lui-même, d’une largeur de 80 cm pour une longueur de 167 cm. C’est à Toros que l’on doit également le monument en hommage aux victimes du génocide arménien, dans la cathédrale apostolique arménienne sur l’avenue du Prado.