La modernité
Au début du XXème siècle, le développement de l’électricité bouleverse considérablement le quotidien. Le culte dédié à la Fée Electricité est de plus en plus grand ; mais alors que la Tour Eiffel se pare d’illuminations dès 1900, Marseille ne bénéficie que tardivement de cette nouvelle source d’énergie. En effet, Jules Mirès, affairiste déjà impliqué dans le scandale de la commercialisation de la Rue de la République, avait contraint la Ville à lui signer un contrat d’usage exclusif du gaz pendant cinquante ans, soit jusque 1906. Comme pour réparer cet affront, la Ville décide d’organiser une nouvelle manifestation internationale, dédiée ce coup-ci à l’électricité : l’Exposition Internationale des Applications de l’Électricité se déroule du 19 avril au 30 octobre 1908. Le succès est à nouveau au rendez-vous : des pavillons entièrement dédiés à l’électricité ont largement contribué à l’engouement du public, mais aussi à l’intérêt commercial des entrepreneurs de pointe.
La Ville réfléchit maintenant à une nouvelle exposition majeure pour le Parc des Expositions. L’essor de la traction moteur, l’abandon progressif des voitures à chevaux contre l’automobile, l’apparition progressive des premières courses automobiles et des records de vitesse conduisent à organiser le Salon de l’Automobile : Marseille devient capitale mondiale de l’auto du 5 au 20 avril 1913.
Malgré ces diverses manifestations, le succès de la première Exposition Coloniale reste dans toutes les mémoires. La Première Guerre Mondiale avait empêché la tenue de la seconde édition, prévue initialement en 1916. Elle a lieu finalement du 16 avril au 19 novembre 1922 et accueillera presque 3 millions de visiteurs. De cette seconde édition restent aujourd’hui deux témoins architecturaux : d’une part, le portail magistral qui se dresse aujourd’hui face au rond-point du Prado et, d’autre part, le Palais des Arts et sa façade en albâtre, toujours exploité aujourd’hui encore. Les grilles en ferronnerie et bronze doré sont l’œuvre du ferronnier d’art marseillais Trichard. Elles renvoient directement au passé colonial de Marseille : leur dessin évoque la mer, les bateaux et la croix d’azur de Marseille, tandis qu’elles sont surmontées de paons. La lecture de ces grilles en dit long sur l’opulence des expositions passées.
L’après-guerre
La Seconde Guerre Mondiale met provisoirement un terme à l’exploitation du Parc Chanot. Le terrain est réquisitionné successivement par l’armée française, du début de la guerre jusque mars 1940, puis par le service de la Santé jusqu’en mai 1941. Lors de l’occupation de la Zone Libre, les troupes allemandes installent sur le Parc Chanot un dépôt d’essence ; à la Libération de Marseille, c’est l’armée américaine qui prend possession des lieux jusqu’à la fin de la guerre.
Parmi les constructions encore debout à cet instant, figure un bâtiment emblématique du Parc Chanot. Il s’agit du Grand Palais, appelé encore Palais Central1, dessiné par trois architectes marseillais : Léonce Muller, Étienne Bentz2 et Édouard Rambert. Cet édifice majeur avait été réalisé pour la première Exposition Coloniale de 1906 ; il s’agit principalement d’une halle métallique de 99 m par 44,50 m. Souvent modifié au gré des besoins, en particulier à chaque grande exposition pour lesquelles ses façades étaient redessinées, le bâtiment a été fortement endommagé pendant la guerre, et sa démolition sera décidée peu après la guerre. Il faut toutefois noter qu’il a été reconstruit à Arles dans les mêmes années à des fins agricoles : aujourd’hui désaffecté, ce bâtiment s’inscrit dans la friche Lustucru, en attente de requalification. Il a été inscrit au patrimoine du XXème siècle en 2012.
Le Parc Chanot, aujourd’hui
La vocation initiale du Parc Chanot est aujourd’hui encore intacte. C’est ici que se tiennent encore les grandes manifestations culturelles et commerciales qu’accueille Marseille. Mais le Parc a été amputé, à plusieurs reprises, de quelques hectares.
Le démontage du Grand Palais a été poursuivi en 1950 par la réalisation du Grand Palais actuel, grande halle métallique évoquant l’Art Déco, dessinée par les architectes Pierre Lajarrige et Louis Poutu. Plus tard, Éric Castaldi signera les plans du Hall 1, appelé aussi Palais des Événements, une autre halle en structure métallique sans point porteur intermédiaire de 76 x 84m. En 1995, c’est l’agence de Jean-Paul Viguier qui est chargé de la réhabilitation et l’extension du Palais des Congrès, portant sa surface à près de 3.500 m².
En 1925 s’est tenue la première « Quinzaine commerciale », qui, quatre ans plus tard, prendra le nom de « Foire Internationale de Marseille», avec son fameux logo créé par Jean Lair et redessiné par Max Ponty, ce paquebot rouge et noir avec l’image de Notre-Dame de la Garde en arrière-plan. C’est la principale manifestation annuelle organisée ici, dans les 17 ha restant du terrain d’origine, organisée dans les 6 halls totalisant 40.000 m² de surface d’exposition.
Indépendamment du Parc des Expositions, le Parc Chanot accueille également le siège de la chaîne de télévision France 3 France 3 Provence-Alpes. Le complexe est particulièrement visible grâce à sa tour haute de 65m, inaugurée le 20 septembre 1954.
Le parc a été également amputé en 1976 lors de l’arrivée du métro, et la création de la station « Rond-Point-du-Prado », dessinée par l’architecte Maurice Scialom. À côté de la pyramide en verre qui éclaire la salle des pas perdus, dissimulé derrière les grilles en ferronnerie du parc, un jardin d’enfant a été aménagé.
Pour finir, il faut mentionner les différents projets architecturaux destinés à enrichir l’attractivité du Parc Chanot. Tout d’abord, deux hôtels Golden Tulip & Campanile sont en cours d’étude : le projet global, conçu par l’agence d’architecture Tangram à Marseille, devrait être bientôt mis en chantier. L’hôtel, de respectivement 200 et 100 chambres, s’implantera le long du boulevard Rabatau, qui devrait être requalifié prochainement. Le bâtiment accueillera également les nouveaux bureaux de la Safim, organisation exploitant le Parc Chanot.
- Voir à ce sujet, l’étude réalisée par la Direction Régionale des Affaires Culturelles Provence-Alpes-Côte d’Azur en 2010 ↩
- Également, architecte du Palais des Arts au Parc Chanot, encore en service aujourd’hui ↩